Spécialiste FMH en psychatrie et psychothérapie - Formation complémentaire FMH hypnose médicale
Spécialiste FMH en psychatrie et psychothérapie - Formation complémentaire FMH hypnose médicale
Pour pratiquer la médecine, il faut tout d'abord une vocation soignante. Cette vocation n'existe pas uniquement chez les médecins, les psychologues et les infirmières, je l'ai détectée chez mon père quand il s'occupait de nous à l’occasion de nos maladies d’enfants. Pourtant, il exerçait une profession fort éloignée, celle de philologue et de Professeur de littérature allemande à l'Université de Lausanne. La littérature, je ne l’ai pas oubliée, elle reste le lieu incontournable, où « des hommes parlent de l'homme à d'autres hommes. » À remarquer que la moitié des diplômés en médecine n'ont pas vraiment de vocation soignante, on les retrouve dans l'industrie, dans la recherche, comme écrivains, et bien des choses encore.
« Le point de départ du raisonnement médical tient de la nature du corps » écrivait Hippocrate. Ce corps vivant, vécu dans l’intimité, dont parlait Spinoza et dont nous savons encore si peu, malgré deux siècles de médecine scientifique ; l’anatomie, la physiologie, la médecine moléculaire. Peut-être découvrirons-nous ce qui se cache en termes d’échange d’information, dans la « mémoire » des particules élémentaires, ce que sera la nanomédecine de demain. De toute façon, notre médecine reste très individualiste, nous ignorons encore presque tout des relations qui unissent notre organisme avec le monde. Si l’on découvre que les arbres des forêts communiquent entre eux, que dire de ces informations que nous partageons au plus profond de notre inconscient ? En partant du chamanisme et des guérisseurs, l’histoire de la médecine témoigne certes des mouvements d’objectivation prédictive, mais le mouvement inverse existe, celui de revenir vers une connaissance intuitive de ce qui nous constitue. Nous introduirions volontiers ici une anthropologie de la subjectivité, dotée d’une efficacité thérapeutique non-prédictive. La psychanalyse de Freud, et surtout, celle de Jung s’inspirent de ce mouvement vers l’Inconscient, dont l’origine plonge dans l’alchimie, en passant par le magnétisme animal de Messmer, pour donner la médecine romantique et holistique allemande, en perte de vitesse dans l’enseignement de la Faculté, mais qui bénéficie toujours de la faveur du publique. L’étude du cerveau, de la conscience, mobilise la communauté scientifique, mais nous ne croyons pas assez la nature, empêtrés que nous sommes dans des impératifs sociaux et économiques. Le potentiel thérapeutique de notre subjectivité est largement délaissé.
Un moment de tension entre ces deux mouvements, entre objectivité et subjectivité, je l’ai vécu à l’occasion d’un stage en chirurgie. Alors que je me destinais à la psychiatrie, le Professeur F. Saegesser (1916-1998) m'avait averti que selon lui, j'étais perdu pour la médecine. Il se trompait. Le psychiatre est un représentant, on peut s'en douter, de cette part la plus humaniste de la médecine, mais il est aussi un médecin de premier recours qui détecte des maladies somatiques insoupçonnées derrière une dépression, un trouble anxieux, une psychose, et inversement des conflits inconscients derrière des maladies réputées purement somatiques. Certains d’entre nous avons appris à faire appel aux rêves et à la subjectivité pour en infléchir leur cours. De toute façon, comme psychiatre, nous avons la chance de pouvoir prendre le temps d'écouter, d’apprendre de nos patients et de nous étonner.
On dit volontiers que la médecine est un art. On entend aussi qu’elle soit un sacerdoce ; une forme d’auto-effacement altruiste qui prend en compte le « travail du négatif ». Pour soigner, il ne suffit pas d’appliquer avec succès les recettes d’une médecine basée sur la preuve, il s’agit d’accéder à une dimension propre à l’humain ; le besoin inconscient d’être malade, la résistance à changer son comportement, la crainte d’abandonner une maladie à laquelle on s’est, somme toute, habitué. Cela consiste plus généralement à donner un sens et un contexte au plaisir et à la souffrance. Pour ce faire, la médecine et la psychiatrie s’inscrivent dans un cadre éthique voire sacré, initié par le serment d’Hippocrate qui implique divers renoncements pour celui qui la pratique. Le pouvoir chamanique quant à lui, apparaît comme initiation et maniement des énergies vitales ; les secrets de la vie et, bien sûr, la mort ; nous avons chacun aidé à mettre au monde, nous avons assisté des mourants. Nous connaissons la douleur et la souffrance, mais aussi l’attirance des êtres les uns pour les autres dans le plaisir et la sexualité. On retrouve ces deux dimensions dans la psychiatrie. La dimension sacerdotale apparaît clairement dans la neutralité du psychanalyste et le cadre quasi-religieux proposé. La recherche d’un sens, la possibilité pour le patient de choisir son propre destin, imposent au psychanalyste une forme d’abstention et de silence respectueux de ce qui est en gestation, pour permettre au patient de reconnaître les mouvements affectifs qui l’habitent. Cette qualité, on la retrouve chez les thérapeutes de famille, en particulier quand il s’agit d’utiliser notre propre vécu familial comme thérapeute ; de s’abstenir de juger, de reconnaître derrière la souffrance psychique le besoin que soient reconnus les dettes et les mérites de chacun, de permettre à chacun des membres de la famille de trouver sa place, en libérant des ressources évolutives. La dimension chamanique quant à elle, se trouve bien illustrée dans la perception de ce qui nous unit à la nature et à notre environnement. Nous découvrirons alors une authentique « écologie de l’esprit ». Nous n’avons pas idée de ce qui peut se déployer en termes d’auto-organisation et de coévolution dans les rapports sociaux et familiaux. N’en déplaise à l’individualisme forcené, qui caractérise une forme mal comprise du libéralisme et qui aboutit à la fatigue d’être soi, notre monde est saturé d’énergies érotiques, symbiotiques et mimétiques - concurrentielles. Ceci apparaît dans les approches sexologiques, bien sûr dans l’hypnose, sans compter le monde des rêves où « même celui qui dort est créateur de tout ce qui se passe dans le monde » (Héraclite).
Un mot encore sur le pouvoir médical de prescrire des médicaments ? Le seul, en passant que nous ne partagions pas avec d’autres corps de métier. En particulier dans le domaine psychique et sexologique, la demande de nos patients est plutôt ambiguë, il s’agit certes de soulager la souffrance, mais il se mêle aussi un désir de complétude ; pouvoir enfin restaurer un moi idéal, mis à mal dans les interactions sociales. L’augmentation de notre puissance de vie est-elle légitime ? On le voit bien, il ne suffit pas de prescrire pour guérir. La plupart des molécules que nous utilisons interrogent notre rapport au monde ; les cycles de vie, le jour et la nuit, les règnes minéral, animal et végétal, notre place dans la société. Leurs effets sont souvent doubles et leur maniement plus difficile qu’il n’y parait. Ils peuvent ruiner notre santé et notre âme comme l’affermir. Là encore nous nous trouvons au carrefour entre objectivité et subjectivité. Faut-il entretenir le rêve d’un homme augmenté ou amorcer le renoncement et l’acceptation des limites, donner un sens à la retraite ?
C’est ainsi que beaucoup de collègues et moi-même pouvons offrir à nos patients qui souffrent une large palette d’approches thérapeutiques et devenir à notre tour des maîtres pour initier nos jeunes collègues. Dans le cadre de la supervision, bien comprise, nous introduisons une approche globale de la médecine et de la psychothérapie - cette unité corps-esprit dans laquelle le patient est une personne et plus simplement un cas ou un diagnostic. La formation médicale et psychiatrique permet certes d’isoler des entités diagnostiques et de prédire des tendances évolutives, mais dans la thérapie, en particulier la psychothérapie, on réunit toutes ces catégories comme prenant part au devenir humain et l’on s’occupe de chacun et de chacune comme une personne, comme un individu. Il faut beaucoup de temps pour acquérir ce savoir, cela représente un challenge passionnant de le transmettre.
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